Depuis plusieurs mois, les partis politiques et leurs leaders ont cédé leurs champs d’expression aux syndicats qui ont occupé cet espace avec des fortunes diverses au grand dam des puristes du mouvement syndical.
La principale mission d’un syndicat est la lutte pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs. Cet objectif, rappelé par le Secrétaire du SAPAS Pierre Mintsa, est inscrit dans le préambule de l’Organisation Internationale du Travail(OIT). Au Gabon, l’action syndicale a une autre résonnance depuis plusieurs mois. Et pour cause, les leaders de Dynamique Unitaire dont la proximité affichée et assumée avec Jean Ping, ne cessent d’entretenir le flou à travers des déclarations tapageuses sur l’état de santé d’Ali Bongo. Ils ont poussé le curseur en réclamant la vacance de la présidence de la république. Entre la défense des intérêts des travailleurs et le champ politique, Jean Remy Yama et ses acolytes ont traversé le Rubicon. Les puristes du syndicalisme refusent d’être associés à cette Tartufferie.
Recherche du sensationnel ou désir maladroit de relancer la polémique sur une question dont tout le monde (ou presque) s’est fait une idée. Chez les acteurs politiques, les tams-tams semblent s’être tus. Des spasmes y sont néanmoins observés dès lors qu’un leader syndical tousse. La fonction républicaine et sociale du parti politique inscrite dans la constitution, est renvoyée aux calendes Grecques. Qu’attendent-ils ?
Dans les chaumières où les liens entre acteurs politiques des deux bords sont soudés par des alliances diverses, notamment les filiations, les affaires et les attaches ésotériques et religieuses, il se susurre que l’état de santé actuel du président Ali le mettrait d’emblée out pour 2023. Aussi, l’oligarchie politique et affairiste aurait-elle tacitement convenue de laisser « le petit » terminer son (dernier) mandat et recouvrer sereinement la santé, gage d’une retraite dorée. Il serait alors illusoire, aujourd’hui, de se dépenser inutilement au lieu de fourbir ses armes et ses stratégies pour 2023.
Mais, d’autres parlent plutôt de résignation et de manque d’inspiration de l’opposition atomisée par le PDG. Dans l’un ou l’autre des cas, ça fait désordre. Plus philosophes, les autres évoquent des contingences liées aux traditions Bantu qui veulent que la santé d’un haut dignitaire qui plus est, président de la république, ne doit pas faire l’objet de supputations ou de paroles vexatoires. On ne tire pas sur une ambulance. Chacun devant passer par là. Cette détente convainc-t-elle l’opinion? Rien n’est moins sûr.
Dans cette hypocrisie où les têtes de gondoles sont finalement les syndicats, ce que l’on donne d’une main, est reprise de l’autre. Sous la cendre, couve un feu brûlant. Certains syndicats et leurs leaders sont utilisés comme des fusibles, des lampistes qui font le sale boulot des commanditaires tapis dans les strates des officines politiques. Pour ce travail de sape où le ridicule est devenu une seconde nature, des sommes et des voyages payés rubis sur ongles se susurrent ici et là. Libreville étant une maison de verre. A preuve, la levée des boucliers de certains politiques dès lors que l’Etat sort le bâton face à ces leaders syndicaux. Comment comprendre la spontanéité avec laquelle Jean Remy Yama s’est retrouvé en France 24 h après ses déclarations ? Ces actes, loin d’être de simples coïncidences, révèlent une stratégie puérile sortie des laboratoires de nos écuries politiques incapables de trouver la bonne formule pour l’alternance.
Dans une interview accordée au journal en ligne 7jinfos, les leaders des syndicats de la communication et des affaires sociales, Aminata Ondo et Pierre Mintsa se sont insurgés contre l’instrumentalisation des syndicats. Comment un universitaire de la trempe de Jean Remy Yama accepte-t-il d’être la tête de Turc d’une opposition en manque de repères ? Pour ne pas arranger les choses, le leader de Dynamique unitaire a sollicité une audience avec le président de la république, sitôt revenu au Gabon. Devant le niet du Cabinet, l’escalade langagière a commencé sous la forme de chantage. D’abord le sosie, puis l’incapacité à gouverner et, enfin la mort et la vacance. Cette surenchère lasse les populations empêtrées dans un quotidien devenu, chaque jour que Dieu fait, insupportable. Les chefs d’Etats étrangers reçus par Ali Bongo Ondimba ainsi que leurs populations rient sous cape devant autant d’incrédulité affichée.
Hier, « Appel à agir », un groupe dirigé par Marc Ona Essangui, Maxime Minault Zima Ebeyard et Jean Gaspard Ntoutoum Ayi, membres de l’Union Nationale qui a mobilisé la toile. Ce groupe demande des preuves sur la capacité du président Ali Bongo à assumer ses charges de chef de l’Etat après son accident d’octobre 2018. Une requête, à leur initiative, a été introduite en mars 2019 auprès du tribunal pour désigner un expert indépendant chargé de donner toutes les conclusions. Rendez-vous a été pris le 15 juillet à la première chambre civile présidée par Paulette Akoyi. Comme pour répondre à ses détracteurs, le président Ali Bongo a présidé, le 17 juillet, le Conseil supérieur de la magistrature. Cette instance, qui réunit l’ensemble des Cours, a été l’occasion rêvée pour les différents présidents de ces cours d’avoir une idée nette sur les capacités réelles du président à diriger. Quels meilleurs experts que ces magistrats qui ont constaté, in situ, l’inintelligence des supputations volontairement entretenues par certains acteurs de la société civile et des syndicats.
Malgré ces preuves formelles d’une présidence « en marche », le flou est entretenu auprès des populations via les réseaux sociaux et les médias internationaux. Comment demander un rendez-vous avec quelqu’un qui n’existe pas? Comment solliciter une audience auprès d’une institution dont on dénie l’existence ? Mieux, avant la formation du gouvernement post-élections couplées, certains leaders qui secouent le grelot aujourd’hui, ont avidement sollicité des décideurs, leur entrée au gouvernement d’ouverture. Peine perdue ! N’est-on pas là face à une frustration ?