La nomination du gouvernement Christiane Ossoucka Raponda a révélé une fois de plus, le centre gravitationnel politique des Emergents : l’Ogooué Ivindo, particulièrement la ville de Makokou, gratifiée de deux ministères de souveraineté dirigés par deux poids lourds politiques aux trajectoires et approches différentes.
C’est le dernier des Mohicans des Rénovateurs. Cette aile gauche du Parti démocratique gabonais (PDG) constituée, dès 1990, de jeunes loups aux dents longues et aux idées novatrices. Ces jeunes, encouragés par Omar Bongo sans toutefois l’assumer, avaient décidé de secouer le cocotier poussiéreux du parti des masses pour le faire entrer dans la modernité et, avec lui, le Gabon entier. Omar, rusé comme un chacal, les utilisera comme cheval de Troie pour imposer la démocratieet régler au passage, des comptes à certains camarades.
Parmi ces jeunes, dont Ali Bongo et Mba Obame étaient la locomotive, Michael Moussa Adamo. Sa présence dans le gouvernement Rose Christiane Ossoucka Raponda ne surprend personne. Lui qui a rongé son frein à Washington comme Ambassadeur du Gabon depuis 2011, estimait avoir été mal ou pas du tout récompensé de son compagnonnage avec Ali. Il a fallu à ce natif de Makokou, dix ans pour sortir de son Hermitage américain.
Lorsque la grande fracture a été consommée en 2009 entre les deux têtes de proue des Rénovateurs, Michael Moussa n’a pas hésité un seul instant à se positionner derrière Ali Bongo, ministre de la défense dont il a été presque dix ans durant, directeur de cabinet.
Les truffions, il les connaît. La modernisation des troupes à travers le concept armée en « OR », c’est-à-dire Organisée et Républicaine avec la création du prytanée militaire, le génie militaire, l’hôpital militaire, l’envoi des gabonais dans les académies prestigieuses américaines comme Westpoint et ailleurs, sont autant d’initiatives à mettre à son crédit.
Sur le plan politique, cet Haoussa issu d’une grande famille de commerçants installée à Makokou depuis le 19è siècle, a été élu député de la commune de Makokou en 2000 sous la bannière d’indépendant, avant de rallier le groupe parlementaire PDG. Polyglotte, il parle avec une extrême élégance, toutes les langues de la province. Ce qui rompt les barrières ethniques dont sont coutumiers les populations de la province. C’est sans surprise qu’au lendemain de sa nomination, à son initiative, toute la province s’est retrouvée autour de lui pour remercier le président et montrer la cohésion de la province, encore orpheline du départ de leur père Emmanuel Franck Issoze Ngondet.
A côté de Michael Moussa Adamo et fils de la même province, Alain Claude Bilié-By-Nze, nouveau ministre de l’énergie. Le bouillonnant ministre est aussi un proche du chef de l’Etat. Ce fils de Ntang-Louli dont les faits d’armes politiques sont connus, n’a pas eu une trajectoire politique « normale ». Son parcours politique ayant fait l’objet d’un article paru dans nos colonnes No 010 du 24 janvier intitulé « Qui, à la primature ? »
Pour comprendre cet attelage imposé par les clercs du bord de mer, deux faits majeurs. Les résultats des élections présidentielles de 2016 d’une part et, la disparition d’Issozet Ngondet d’autre part.
La province de l’Ogooué Ivindo ayant voté massivement le candidat Ali, les Emergents remuent ciel et terre pour préserver cet acquis. Et les résultats des dernières législatives où le PDG a fait le carton plein des élus de la province, ont conforté davantage cet engagement des populations avec le pouvoir. Il faut donc préserver cet acquis fragile au moment où, ailleurs, c’est la grise mine. Pour maintenir cette atmosphère de confiance, l’Ogooué Ivindo est la seule province à avoir six ministres dont un ministre d’Etat.
Sur un autre plan, le décès de l’ancien Premier ministre Emmanuel Franck Issozet Ngondet, premier Kota à atteindre ce niveau de responsabilité, a failli jeter le trouble aussi bien sur les équilibres ethniques que politiques de la province. Les Kotas, minoritaires et marginalisés, ont cru leur influence à terme avec la disparition de leur représentant. Rassembleur et habile négociateur, Issozet Ngonde avait réussi le plus difficile : promouvoir les cadres de la province, toutes ethnies confondues, là où d’autres avant lui, ont utilisé le fait ethnique pour diviser.
Ce poste politique resté vacant ne pouvait être assumé par Bilié-By-Nze qui a toutes les peines à rassembler. Certains le jugeant hautain, renfermé, ne se préoccupant que de ses intérêts et de ses frères fangs. A priori ou simples vues d’esprits ? Seules les populations de l’Ogooué Ivindo peuvent répondre.
Toujours est-il que depuis les gouvernements Nkoghe Bekale et, aujourd’hui Ossoucka Raponda, l’homme de Ntang Louli n’a pas ou peu mobilisé grand monde quand ce ne sont pas des frustrations susceptibles d’être préjudiciables au pouvoir qui remontaient. Selon de longues oreilles, cette épine sous son pied demeure le seul bémol à sa nomination en tant que Premier ministre.
L’option Michael Moussa Adamo s’imposait dès lors pour le bord de mer pour rééquilibrer les forces en présence. Issu lui aussi d’une minorité, les haoussas, rassembleur et ayant une longue expérience politique accumulée auprès d’Ali Bongo et de Mba Obame, tous Rénovateurs. Ce choix gagnant a été confirmé dès la composition du nouveau gouvernement dans lequel il occupe le poste de ministre de la défense. Satisfaits, les fils de la province ont tôt fait de se retrouver, quelques jours après autour de lui pour sceller davantage leur unité. Tout le gotha politique était présent. Tous les ministres du nouveau gouvernement originaires de la province aussi. On a également noté la présence des députés et des sénateurs. Même Bernie Emane, connu pour sa frilosité dès qu’il s’agit de rassemblement, a fait le déplacement.
Gageons que cette province qui a trop souffert des divisions ethniques et politiques, retrouvera un nouveau souffle.