Le Gabon, nation jadis pleine d’espoirs postcoloniaux, a vécu une période particulièrement trouble entre 2018 et 2023, marquée par une opacité institutionnelle, une communication d’État empreinte de mystifications et une gouvernance de plus en plus déconnectée des réalités du peuple. Durant ces cinq années, le mensonge d’État ne fut pas une erreur marginale, mais bel et bien une méthode de gouvernement. À tel point que la scène politique s’apparentait parfois à un théâtre d’ombres, voire à un bal de sorciers où manipulations, dissimulations et envoûtements collectifs guidaient les pas d’une élite au pouvoir.
2018 : Le grand tournant
L’année 2018 fut marquée par l’accident vasculaire cérébral du président Ali Bongo Ondimba, survenu en octobre en Arabie Saoudite. Ce fut le début d’un long silence, puis d’une série de mises en scène visant à convaincre l’opinion nationale et internationale que le chef de l’État restait aux commandes. Images floues, apparitions contrôlées, montages suspects… Le Gabon s’enfonçait alors dans une sorte de réalité parallèle où il devenait interdit de dire l’évidence : le président était inapte à gouverner. Pourtant, aucune procédure institutionnelle claire ne fut enclenchée.
2019-2021 : L’État en pilotage automatique
Ces années virent se multiplier les décisions prises par procuration, l’émergence de figures de l’ombre exerçant une autorité sans légitimité populaire ni transparence. Le pays était gouverné sans cap lisible, entre effets d’annonces irréalistes et promesses électoralistes. Les scandales de corruption éclataient sans que les têtes ne tombent réellement. Les Gabonais, eux, subissaient l’inflation, le chômage, l’effondrement du système de santé et d’éducation, pendant que l’élite continuait son bal masqué.
2022 : La consolidation d’un pouvoir illusoire
La mise en scène d’un retour à la normale s’intensifie. Le président Bongo, bien que visiblement diminué, est « relancé » sur la scène politique à travers des déplacements soigneusement chorégraphiés et des discours dictés. Une frénésie de communication gouvernementale tente de donner l’illusion d’un État fort, moderne et visionnaire. En réalité, le pouvoir est devenu une coquille vide, où le mensonge est un art de gouverner.
2023 : Le réveil brutal du 30 août
Après des élections contestées organisées dans un climat tendu, où la transparence électorale fut encore une chimère, les forces armées prennent le contrôle du pays le 30 août 2023. Un coup de tonnerre qui révèle enfin ce que beaucoup murmuraient : le pouvoir ne reposait plus sur une légitimité populaire mais sur un système gangrené par le mensonge, la manipulation et l’opacité.
Le bal des sorciers
La métaphore du « bal des sorciers » exprime avec justesse l’atmosphère kafkaïenne dans laquelle a baigné la gouvernance gabonaise pendant ces cinq années. Des décisions arbitraires, des alliances contre nature, des mascarades politiques… Le peuple gabonais, spectateur impuissant, oscillait entre résignation, indignation et espoir d’un renouveau.
Et maintenant ?
Le Gabon est à la croisée des chemins. La chute du régime Bongo en août 2023 doit être plus qu’un changement d’hommes : elle doit marquer une rupture avec la culture du mensonge érigée en dogme politique. Il est temps de reconstruire une République fondée sur la vérité, la responsabilité, et la participation citoyenne.
le 12 C’BON
