Ceux qui ignorent l’histoire sont condamnés à la revivre. C’est le moins que l’on puisse dire en voyant l’Organisation du Congrès dit de la Renaissance du parti démocratique gabonais (PDG).
C’est au stade d’Agondjé que les organisateurs dudit Congrès ont décidé de célébrer leur messe politique. En choisissant cet espace, l’opinion publique peut supposer qu’il y avait dans l’esprit des organisateurs une volonté de faire une démonstration de force. A peine 5000 personnes pour un parti politique cinquantenaire et plus d’un demi siècle au pouvoir, ça ne vend pas du rêve ou ça ne présage rien de bon.
La première question à se poser est de savoir si le stade était plein. La réponse est non. La seconde question est de s’assurer que les conditions de travail sont réunies pour le bon déroulement de cette kermesse politique. La réponse aussi est non. Sinon, comment se fait le travail en Commission ? En plénière ? Comment est distribuée la parole ? La température est-elle propice à la réflexion ? La réponse est non. Comment renouveler l’esprit du PDG dans des conditions aussi drastiques pour des gens habitués au confort sans effort ?
Sur un tout autre plan, le choix de la principale thématique: la Renaissance. Si on s’en tient à la composition du concept choisi, on peut se demander qui est mort pour ensuite naître de nouveau ? A ce qu’on sache, c’est bel et bien le PDG qui est au pouvoir depuis plus d’un demi siècle et qui détient la majorité dans toutes les assemblées politiques du pays. Ce parti serait mort quand pour qu’on puisse l’inviter à renaître de nouveau ?
A ce jour, on ne compte pas de scissions ou de grands bouleversements au sein de ce parti pour que la thématique choisie soit celle de la Renaissance. C’est dire que le fil conducteur arrêté ne peut conduire à rien du tout puisqu’il n’est adapté à aucune réalité vérifiable.
Supposons que la Renaissance ici soit liée à la santé du Distingué Camarade Président qui a subi un accident vasculaire cérébral des plus aiguës, étant de type hémorragique avec toutes les complications physiques et mentales souvent associées. N’est-ce pas alors une contradiction voire un reniement de tous les discours et de toutes les assurances lancés ça et là pour signifier que tout va bien dans le meilleur des mondes pour Ali Bongo? Bref…
D’ailleurs, que viendrait faire la santé du Distingué Camarade, fut-il président du parti, dans la construction ou la consolidation des idéaux et autres objectifs du parti ? Véritables situations iconoclastes, un bourbier bien profond.
De la même veine, que vient faire le parti communiste chinois (PCC) à ce Congrès ? Quelle est l’idéologie du PDG qui la lierait ou serait rattachée aux idéaux du PCC? Quelles valeurs communes partageraient-ils ? Il est clair que cette invitation ne plaira nullement aux membres du Commonwealth comme aux Américains chez qui le Président Ali Bongo vient de séjourner. C’est une grosse erreur stratégique qui n’a rien de bénéfique.
Jean Ping a été candidat à l’élection présidentielle de 2016. Malgré ses origines chinoises, la Chine ne s’est pas plus mêlée de sa situation que certains pays amis du Gabon. De plus, ce pays qui n’a pas de leçon de démocratie à servir à quiconque ne se mêle quasiment jamais des conflits postélectoraux constatés et engagés. Quel serait alors le bénéfice d’une telle initiative ?
Visiblement ceux qui organisent ce Congrès semblent être débordés au point de faire feu de tout bois. Il y a vraiment comme un vent d’amateurisme associé à de l’inculture politique. On n’apprend pas à tirer sur un champ de guerre et c’est ce qu’ils apprennent à leurs dépens.
Si les organisateurs dudit Congrès savaient pourquoi le candidat du PDG a eu beaucoup de mal lors de l’élection présidentielle de 2016, ils auraient demandé Conseil et faire preuve d’humilité durant tout le septennat.
Il n’y a qu’à se référer aux différents discours du distingué camarade président pour mesurer la profondeur du mal qui ronge le PDG et le pouvoir en place.
En effet, lors de ses différents discours politiques, celui prononcé quand Eric Dodo Bounguedza a été choisi comme Secrétaire général du PDG et lors de l’allocution prononcée devant le Parlement réuni en Congrès, Ali Bongo dénonçait la duplicité ou l’absence de sincérité de nombreux camarades.
A ce que nous sachions, rien n’a été fait pour que cet état d’esprit malsain disparaisse et aucun élément objectif ne nous a été servi pour que nous soyons invité à apprécier le renouveau souhaité. C’est alors peu dire que d’affirmer que le ver est toujours dans le fruit.
Autrement dit, qu’est-ce qui a changé au sein du parti ou dans les arcanes du pouvoir qui pourrait justifier le changement de comportement de nombreux militants épinglés ? Face au mauvais partage du pouvoir, à l’ingratitude et à l’égoïsme, à quelle attitude devrait-on s’attendre venant des camarades déçus et aigris ?
Hier c’était l’hégémonie de la Légion étrangère et l’imposture du mouvement opportuniste dénommé MOGABO qui étaient contestés par une bonne vague d’élus légitimistes du PDG. Des groupes cités, on notait une illégitimité flagrante. Presque pas d’élus en leur sein. Or, ils étaient comptés parmi ceux qui, avec arrogance et sous la barbe du président de la République, amassaient des fortunes délirantes au détriment de l’intérêt général.
Ne pouvant accepter une telle situation et voulant s’arrimer aux standards politiques internationaux, le mouvement conduit par Alexandre Barro Chambrier et d’autres cadres du parti tentèrent d’introduire dans les débats liés à l’élection présidentielle la question des Primaires. C’est-à-dire le refus d’un candidat naturel et l’émergence d’un candidat voté au sein du parti.
Refusant cette proposition conforme à la modernité en politique, nombreux ont préféré s’opposer à Ali Bongo durant l’élection présidentielle quand d’autres ont fait le choix du pourrissement de l’intérieur en restant dans le parti. C’est ainsi que sur 9 provinces, Ali Bongo n’avait pu être déclaré vainqueur que sur 3 qui en plus ne sont pas les plus peuplées. Comprendra qui pourra, parti majoritaire disait-on.
Donc si on résume la situation dans le PDG, on dira : alors que (1) le contentieux politique existant entre le distingué camarade président et de nombreux cadres du PDG n’a toujours pas été vidé, (2) que la gestion du parti et du pays ne réponde à aucun modèle soutenable, (3) que la maisonnée du président de la République, la Légion étrangère et les collabos infestent et accablent par leurs décisions épidermiques et irréfléchies le sommet de l’État, (4) que le gouvernement n’est composé en grande partie que d’imposteurs et de collabos d’un nouveau genre, (5) que la misère et les poubelles jonchent les rues et autres quartiers où vivent de nombreux membres du parti au pouvoir, on demande aux camarades de croire à un prétendu renouveau sans aucun argument pouvant soutenir cette noble ambition. Voilà qu’elle est belle cette sale blague de fin d’année.
A ces défaillances précitées qui n’augurent rien de bon, il faut ajouter l’ingratitude du pouvoir en place à l’égard de ceux qui ont permis à Ali Bongo d’accéder au fauteuil présidentiel en 2009 et de s’y maintenir en 2016 et en 2018.
Si certains ont été remerciés en monnaie de singe par un exil pénible injustifiable, nombreux, assis chez eux, ont été condamnés à subir la médiocrité du gouvernement conduit par Rose Christiane Ossouka Raponda. De quel renouveau s’agit-il ?
Une chose reste certaine, de nombreux camarades sont désormais plus proches des revendications de Barro Chambrier, de Paulette Missambo ou de Guy Nzouba Ndama que des organisateurs étranges et incompétents du Congrès dit du renouveau.
Que la vérité soit dite ici et maintenant, aucun individu, aucune institution, aucun media, aucune base militaire ne donne le pouvoir si les éléments précités ne sont pas correctement agencés ou coordonnés pour justifier une probable victoire. La preuve, malgré le fait qu’il fut déclaré vainqueur par le président du Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo a été délogé du palais présidentiel et conduit à la Cour pénale internationale. C’est dire…
Malgré ses hommes armés jusqu’aux dents, Pascal Lissouba avait été chassé du pouvoir par Denis Sassou Nguesso. C’est dire que pour qu’un pouvoir se maintienne, il faut que toutes les conditions soient remplies. C’est tout…
On ne peut accumuler autant de fautes politiques et stratégiques, multiplier autant d’injustice et de violence dans le pays, susciter autant de frustration et d’aigreur, désarmer autant ses militants et sympathisants en leurs imposant le chômage et des fins de mois difficiles, favoriser autant la pauvreté et la méchanceté dans le pays, emprisonner les enfants d’autrui quand les vôtres font pire, et espérer se maintenir aussi facilement au sommet de l’État.
En toute objectivité, tous les ingrédients sont réunis pour vivre un véritable renouveau au palais présidentiel sans ceux qui confondent les décisions prises en Conseil de ministres et l’élection présidentielle. La catastrophe annoncée est inévitable.
A ce moment, l’épouse du président de la République comprendra qu’elle aurait dû demander à Ali Bongo de changer Edith Cresson du Gabon qu’elle soutient depuis belle lurette. Le fils du président de la République apprendra qu’on ne peut gérer un pays par téléphone depuis un balcon londonien. Ce qui est arrivé aux enfants Dos Santos ou Karim Keita ne sont pas des faits anodins. Les institutions devant être républicaines et autres responsables politiques ou publics découvriront toutes les conséquences d’un esprit de collabos.
Malheureusement tout sera désormais cuit. Le temps de reculer ou de corriger les erreurs sera fini. Un renouveau au sommet de l’État va s’imposer à la surprise générale de ceux qui n’ont jamais voulu anticiper. Chacun récoltera ce qu’il aura semé. Il sera temps et ils auront l’âge. Le cycle de la vie s’imposera aux imprudents et aux cupides.
Quand c’est fini, c’est fini. Qu’est ce que ce pouvoir a encore d’Omar Bongo dans la forme comme dans le fond ? Il ne peut que disparaître et nous y sommes. Un renouveau s’imposera.
Par Télesphore Obame Ngomo
Président de l’OPAM