Depuis la formation du nouveau gouvernement avec le retour des vieilles recettes Omariennes qui réservent le poste de Premier ministre à un natif de l’estuaire et celui de Président de l’Assemblée nationale à un ressortissant de l’Ogooué Lolo, on semble être revenu à la case départ d’avant 2009. La nomination le 11 janvier de Julien NkogheBekale, natif de Ntoum comme premier ministre, a conforté le pacte ou l’accord secret, c’est selon, signé entre Léon Mba et Omar Bongo sur le partage de l’exécutif. Ce pacte, stipulerait que la paix sociale serait tributaire à la nomination d’un fils des bords du komo comme premier ministre.
Tout comme le retour au perchoir de l’Ogooué Lolo le 11 janvier dernier avec l’élection de Faustin Boukoubi, natif de Pana comme Président de l’Assemblée nationale. Ce choix ou, tout au moins, son élection, obéirait, selon notre confrère de La Lettre du ContinentN°792, très introduite dans les arcanes des pouvoirs africains, au souci de renforcer l’alliance nouée en 1980 entre Omar Bongo, les acteurs politiques du Haut-Ogooué d’une part et ceux de la province sœur de L’Ogooué Lolo, d’autre part. Ces deux pieds ont été, depuis des décennies, les deux colonnes sur lesquelles le pouvoir Omarien a maintenu son socle, jusqu’à la parenthèse fermée par Ali et sa troupe d’émergents dès 2019.
La longue convalescence du président a été l’occasion rêvée pour la faction des anciens apparatchiks tenants de l’aile ancienne parmi tant d’autres qui luttent pour le contrôle du pouvoir au bord de mer, d’agir. Ce clan,qui apprécie peu ou pas du tout ces changements qui s’accompagnent de méprises et d’arrogance des nouveaux héritiers amenés dans les valises d’Ali, jeunes pour la plupart et qui déclarent ne pas pouvoir faire du neuf avec du vieux, a pu nettoyer les écuries d’Augias avec délectation!
Toujours selon La Lettre du continent, l’élection de Faustin Boukoubi est la conséquence d’un lobbying actif de la présidente de la cour constitutionnelle qui aurait pesé de tout son poids. Au-delà du renforcement du pacte de l’axe Haut-Ogooué-Ogooué Lolo, il y a aussi là, la récompense de la fidélité d’un homme vis-à-vis de son parti et de ses idéaux. Mais surtout à son chef, Ali Bongo Ondimba. La dernière présidentielle ayant été un moment tragique pour le parti des masses qui a consommé des trahisons et des auto-flagellations. Nombre de ses cadres et non des moindres, ayant décidé de quitter le navire non sans avoir dit dans une scénarisation digne des films hollywoodiens, tout le malheur qu’ils pensaient de ce parti politique. Boukoubi lui, malgré les appels de nez lancés par son mentor et beau-frère Guy Nzouba Ndama, est resté fidèle au parti et à son président. Choses rarissimes en 2016.
Sa démission en Août 2017 du secrétariat du Parti Démocratique gabonais(PDG) avait fait craindre son basculement. Elle obéissait simplement à des contingences liées aux luttes d’influence qui font jour au sein de ce pouvoir chancelant. Actée par le Distingué camarade sous la pression de Brice LaccrucheAlihanga, directeur de cabinet d’Ali Bongo et président de l’AJEV, la démission deBoukoubi qui voyait d’un mauvais œil, l’influence sans cesse grandissante de l’association des jeunes émergents volontaires (AJEV) qui voulait se substituer au PDG, avait ouvert une guerre de tranchées épiques. Or, en politique, il ne faut avoir la mémoire courte,l’oubli pouvant être un handicap qui peut vous coûter cher.
Les premières conséquences de ce retour aux vieilles méthodes Omariennes n’ont pas tardé. D’abord lors de la rentrée parlementaire où l’on a vu la présence remarquée de l’ancêtre Marcel Eloi Chambrier, Guy Nzouba Ndama et Richard Auguste Onouviet, tous anciens présidents de cette institution. Le nouveau locataire des lieux, fidèle à la politique d’ouverture héritée d’Omar, tenait à rendre hommage à ces anciens. Et, cerise sur le gâteau, l’image de Boukoubi tenant sous le bras le père Chambrier fera d’ailleurs la Une du quotidien national L’Union. La population n’en demandait pas tant. Ensuite, les sorties publiques de Jean Ping dans les marchés et églises de Libreville. Comment interpréter ces sorties sans discours si ce n’est une invite à rassurer et à encourager les populations à vaquer à leurs occupations quotidiennes. Tout va mieux dans le meilleur des mondes ? Enfin,les récentes déclarations du premier ministre qui ne trouve aucun inconvénient à organiser un dialogue national de large ouverture.
Y aurait-il un dégel ? Un consensus qui expliquerait le silence et l’omerta de l’opposition actuelle ? Seul, l’avenir nous le dira. Une chose est pourtant sûre, tous ou presque semblent s’être donnés le mot. Celui d’un dégel des rapports de force qui laisserait Ali terminer son (dernier) mandat, tant sa santé chancelante ne joue pas en sa faveur pour lui donner une once de chance de revenir en 2023. Mais, gare à cette peau de l’ours vendue sans l’avoir tué.