Le nouveau gouvernement formé au lendemain des élections législatives a fait la part belle à la province de l’estuaire avec, comme cerise sur le gâteau, la nomination de l’un de ses fils comme premier ministre. L’objectif étant de préparer la réélection du président de la république en 2023. Un challenge !
Omar Bongo est ressuscité ! Pouvait-on dire au lendemain de la nomination le 11 janvier dernier de Julien Nkoghé Bekalé au prestigieux poste de Premier ministre, chef du gouvernement. La réaction de surprise n’aurait pas paru anecdotique tant la nomination de cet Estuarien pur jus, natif de Ntoum, a réveillé dans la mémoire collective, les reflexes Pavloviens de la géopolitique Omarienne qui voulait que le premier ministre soit toujours issu de l’Estuaire. Les raisons ? D’aucuns estiment que le président Omar Bongo voulait, par ce geste affectif, renvoyer l’ascenseur à ces populations issues de l’autre bord du Komo qui ont, par le truchement de l’un de ses fils, premier président gabonais, Léon Mba, cédé le pouvoir de manière pacifique à Omar Bongo, lui-même issu de la minorité Bateke de la province du Haut-Ogooué. Une autre frange argue qu’il y aurait un pacte de partage de pouvoir où la deuxième personnalité devrait, selon toute vraisemblance, être issue de la province-capitale.
D’autres, au contraire, moins philosophes, y ont vu, derrière cette affabilité déguisée, une stratégie purement guidée par des contingences géostratégiques. La province de l’estuaire étant la plus densément peuplée avec plus de 70% de la population gabonaise qui réside à Libreville, sa capitale. Gagner dans l’Estuaire vous ouvrirait, d’emblée, les portes du bord de mer. Ce n’est donc pas une capitale politique, siège des institutions ressemblant à toutes les autres d’Afrique. Tant son poids démographique joue en sa faveur mais devient, aussi paradoxalement et ce de plus en plus, un handicap à chaque élection présidentielle. La province-capitale faisant l’objet de plusieurs controverses. Parfois jusqu’à la violence.
Renouer avec le passé pour gagner l’avenir.Les malheurs d’Ali auraient commencé aussitôt l’éviction du dernier premier ministre, fils du komo Paul Biyoghé Mba actée.
L’arrivée d’Ali Bongo en 2009 a eu pour effet un changement de paradigme dans les pratiques et les us. Du moins, jusqu’à la nomination, le 11 janvier dernier de julien NkogheBekale. Le fils d’Omar voulant faire du neuf dans les pratiquespolitiques, avait opéré un virage à 180°en nommant, pour la première fois, un premier ministre issu d’une autre province, en l’occurrence le Woleu-Ntem en la personne de Raymond Ndong Sima. Si beaucoup de gens ont applaudi cette régénération, d’autres, notamment les populations de l’Estuaire ainsi que certains anciens apparatchiks de l’ère Omarienne, n’ont pas vu d’un bon œil ce changement. Leurs voix, moins influentes et inaudibles, n’ont pas retenu l’attention du nouveau Président qui commença, par cet acte, à lancer les premières salves d’une longue suite qui devaient solder l’héritage de son père au grand dam des partisans de l’ordre ancien.
C’est d’ailleurs à la suite de l’absence prolongée d’Ali que ce camp, parmi plusieurs autres qui bataillent pour le contrôle du bord de mer, a su imposer ce retour aux vieilles recettes de la politique Omarienne que l’on croyait pourtant révolues. A tort. La surprise, à la lecture de la nomination de Julien et, quelques jours plus tard, le déroulé des noms de son gouvernement n’a surpris que les naïfs.
Aujourd’hui, les choses sont revenues à la normale. Et ces apparatchiks de l’ère ancienne tapis dans toutes les strates des arcanes du pouvoir et, avec eux, les populations de l’Estuaire, jubilent. Certains mystiques arguent d’ailleurs que ce retour de la primature sur les bords du komo a des relents spirituels voire, mystiques.
En effet, un pacte, disent-ils, aurait été signé afin que le mariage entre un premier ministre issu de l’estuaire et son président soit le garant de la stabilité politique et sociale du Gabon. La paix sociale serait alors tributaire à la nomination de leur fils à la primature. A preuve, justifient-ils, les malheurs d’Ali auraient commencé aussitôt l’éviction du dernier premier ministre, fils du komo Paul Biyoghé Mba actée. La situation politique morose de l’heure, ajoutée aux problèmes de santé du président qui croule toujours sous une interminable convalescence, seraient autant de faits justifiant cela. Devant autant d’arguments relevant du plausible, on a bien envie de leur donner raison. La politique et l’ésotérisme au Gabon étant tous les deux la face d’une même pièce.
Mais ces dires ne seraient pas non plus à prendre à la légère. L’ésotérisme étant le plus souvent la première boussole, dans certains cas, l’unique, dont se sert le politique au Gabon pour décider de la marche à suivre du pays. Une telle mélopée à ses oreilles attire assurément l’attention. Dans un cas comme dans l’autre, la nomination de Julien avec six autres ministres issus de toutes les régions ou presque de l’Estuaire (sauf le komo kango), serait-elle à mettre dans cet ordre ? On est tenté de le penser quand on voit le choix des impétrants ;Julien Nkoghé Bekale, premier ministre, natif de Ntoum, Jean Marie OGANDAGA, ministre de l’économie, de la prospective et de la programmation du développement ,natif du cap, Michel Menga m’Essone ministre d’Etat, ministre de l’éducation nationale chargé de l’éducation civique, originaire de Coco Beach, chef lieu du département du komo Ocean, Rose Christiane Ossouka Raponda, Ministre d’Etat, ministre de la défense nationale et de la sécurité du territoire, Gisèle AKOGHET épse Ntoutoume, ministre déléguée auprès du ministre d’Etat, ministre de l’Education nationale, native de Lalala, Arsène Edouard Nkoghe, ministre délégué auprès du ministre d’Etat, ministre des sports, des loisirs, de la culture et de l’artisanat,natif de Lalala.
Certes, Léandre Nzue n’est pas au gouvernement, mais l’impact de sa gestion peut envoyer des signaux positifs pour 2023 !
Ça fait beaucoup de monde. Tous, autant qu’ils sont, ont pour mission de faire redémarrer la machine grippée du PDG dans l’Estuaire où habite 70% de la population gabonaise dont Libreville est la capitale. Et, surtout, instaurer un climat de paix et d’apaisement. Le cœur du Gabon, on est tenté de le dire, bat désormais dans l’estuaire, particulièrement à Libreville, sa capitale. L’objectif inavoué de cette équipe dont la plupart sont députés et/ou élus locaux, est de préparer 2023 certes mais aussi, et c’est le plus urgent, rassurer les gabonais sur la nécessité de (re)faire confiance au PDG et à son distingué camarade voués aux gémonies depuis la dernière présidentielle. Un challenge !
Le challenge sera d’autant plus difficile à relever que le pays bruisse de nouvelles très peu rassurantes pour le pouvoir en place. Pour la population, chaque jour qui passe est un sursis supplémentaire gagné qui s’ajouté à la cohorte déjà existante. Chaque gabonais ou presque ayant envie d’en découdre avec ce pouvoir qui serait à l’origine de l’atonie actuelle. Dans ces conditions, Julien et son équipe auront toutes les peines du monde à convaincre du contraire. Plusieurs nuits blanches (veillées Bwitistes) organisées à ce propostout le long de la nationale où l’on trouve de milliers de temples Bwiti n’y changeront pas grand-chose. Il faudra trouver une alchimie parfaite qui apporterait une lueur d’espoir au milieu de ce désespoir social ambiant qui ne dit pas son nom.
Ce regain de confiance, s’il venait, par extraordinaire apparaître dans les cœurs exsangues d’une population qui ne sait plus à quels saints se vouer, se donnera à lire à travers une reprise en mains du social. La flambée des prix des produits de première nécessité dans les marchés donne le tournis aux ménagères. Tout comme, last but not least, la fronde sociale notamment les grèves, qui menacent l’ensemble des administrations. Ajouté à cela, la frénésie avec laquelle les sociétés mettent leurs clés sous le paillasson, plongeant de milliers de jeunes dans le chômage sont autant de défis qui attendent le premier ministre et son équipe.
De plus, l’épineux problème du tronçon PK12-Ntoum-Kango qui, jusqu’alors demeure une arlésienne, doit être repris en main avec la reprise sans délai des travaux. La récente rencontre entre Julien NkogheBekale et l’entreprise chinoise chargée de la réfection de ce linéaire, augure-t-elle des lendemains meilleurs ? Croisons les doigts !
Sur un tout autre plan et en rapport avec la responsabilité des fils des bords du komo. Un autre, Léandre Nzue, Essokè de Libreville, cousin du premier ministre Julien Nkoghe Bekale lui-même Essibekang de Ntoum, est à la tête de la mairie de Libreville. Ce va-t-en-guerre (dans le bon sens) avait fait parler de lui lors de la mandature de Jean François ntoutoume Emane où il était quatrième maire adjoint de Libreville. Il était devenu la terreur des commerçants récalcitrants lors de la fameuse opération « Libérez les trottoirs », opération qui visait à rendre la ville propre, plus attrayante, moins embrumée par les étales et autres carcasses de véhicules qui l’écumaient. Aujourd’hui aux manettes de la mairie de Libreville, on s’attend à retrouver la même fougue et la même énergie, sinon plus, pour donner enfin à cette capitale, l’image d’une ville du 21ème siècle. Elu local depuis plusieurs mandatures, les problèmes de cette vieille dame lui sont connus. Il ne va pas, comme le précédent édile les découvrir in situ.Que nenni ! Les mauvaises langues disent que Léandre Zue aurait promis résoudre le problème de Libreville en moins de deux ans. Ce serait alors cette fougue et cette conviction qui auraient motivées le bureau politique du PDG, son parti, à en faire sa tête de liste.
Certes, Léandre Nzue n’est pas au gouvernement, mais l’impact de sa gestion peut renvoyer des signaux positifs pour 2023. Là également, comme ses frères du gouvernement sur lequel pend l’épée de Damoclès, il y a fort à faire, la gestion municipale étant une administration locale, à la limite, directe parce que touchant au quotidien des populations. Il est plus facile pour ces dernières de vivre et de jauger de l’impact des mesures salutaires de la mairie dans leur vivre ensemble, contrairement au long terme qu’imposent celles du gouvernement. La balle est désormais dans le camp de Julien et de ses « frères » car 2023 commence aujourd’hui.