La France jouera contre le Maroc en demi finale de la CDM. Au début de cette compétition, jamais je n’avais cru cela possible. Et voilà que je suis face à un dilemme. Mes deux nations de cœur vont devoir s’affronter. Et il n’y aura qu’un seul vainqueur.
Vous ne le saviez peut-être pas mais la France et le Maroc sont deux parties de moi. J’ai toutes les raisons du monde d’aimer ces deux pays. Le sang de l’un coule dans mes veines et les souvenirs de l’autre sont inscrits dans ma mémoire.
Ça fait 40 ans que je suis un supporter de l’équipe de France. Depuis mes premières larmes de 1982 après la cruelle défaite contre l’Allemagne, je n’ai jamais su remplacer les Bleus dans mon cœur. Les maillots bleu blanc et rouge m’ont fait vivre tant d’émotions que je leur demeure fidèle. Ils sont ma passion.
Mais le Maroc est aussi un autre coup de cœur de ma vie. Pour y avoir vécu 4 longues années, en dépit des griefs qu’on peut faire aux peuples arabes, je suis tombé amoureux de ce beau pays. Sa culture millénaire, sa cuisine et son hospitalité légendaires en ont fait une destination de cœur.
Depuis le début de ce mondial, j’ai supporté ces 2 équipes indépendamment. Chacune occupant une place privilégiée dans mon cœur. Je ne me doutais pas qu’il faudrait choisir entre l’une et l’autre un moment donné. Et depuis deux jours, mon cœur est en peine car il hésite à prendre partie.
La France et moi, c’est une vieille histoire d’amour. Je ne sais d’ailleurs pas comment la passion des bleus m’est venue. Mais à la seule vue du maillot bleu marine, j’ai les étoiles dans les yeux. Peut-être l’appel lancinant du sang!? Et puis, comment ne pas aimer une équipe qui a eu Platini, Zidane, Benzema et Mbappé dans ses rangs?
Ces joueurs et d’autres « enfants de la patrie » m’ont fait vivre tant de sensations en 40 ans, qui ont été autant de bonheur. Comment ne pas croire qu’un nouveau « jour de gloire est arrivé »? Et comment espérer ce nouveau jour de gloire face à mon autre pays de cœur dont la victoire me rendrait tout aussi heureux?
Alors, à deux jours de ce match fatidique, mon cœur, plutôt que d’être heureux, est en peine. Il est en proie au doute, tiraillé par l’appel du sang, d’une part, et par l’appel du sol, d’autre part. Choisir la France, que je n’ai fait que visiter, et le Maroc, qui m’a offert son hospitalité et sa générosité, est un vrai dilemme.
J’imagine la belle opposition que sera ce match plein de symboles. Il transcendera les valeurs de paix que véhicule le football pour devenir une opposition entre le colon et le colonisé, l’occident et le tiers-monde, l’Europe et l’Afrique. Il ne sera pas simplement sportif mais davantage idéologique.
Parce que ce match renferme des enjeux politiques et économiques, qui permettraient au reste du monde de regarder autrement l’Afrique, ma raison risque de l’emporter sur ma passion. J’aime la France mais je ne serais pas malheureux que le Maroc triomphe. Parce que la victoire du Maroc sera surtout la victoire de l’Afrique.
Serge Abslow