Constituante : Les parlementaires ont-ils voté le projet de Constitution ou voté un rapport ? Petite leçon de procédure législative pour les béotiens. Par Jean Valentin Leyama

Quand une pâte modelée est introduite dans un four, il en sort du pain. Idem pour la loi. Tout projet de loi (ainsi appelé quand ça vient du Gouvernement après avoir été adopté en Conseil des ministres) ou toute proposition de loi (ainsi appelé quand ça émane d’un parlementaire), introduit dans une boîte noire appelé Parlement, ressort toujours, je dis bien, toujours, sous la forme d’un rapport recensant les amendements (ainsi appelés les modifications apportées au projet ou proposition de loi) opérés article par article. Changer une virgule en un point-virgule est aussi un amendement. Les amendements sont soumis et débattus en plénière (ainsi appelée, l’ensemble des députés ou sénateurs réunis), ils sont soit adoptés, avec ou sans correction, soit rejetés. Quand un amendement est rejeté, la formulation initiale du texte prévaut. 
Il est extrêmement rare qu’un texte sorte du Parlement tel qu’il y est entré. De même, l’ampleur des amendements retenus peut totalement défigurer le texte initial.
Le projet de Constitution en débat est bien un projet de loi, c’est bien écrit sur la couverture, il a été envoyé au Parlement par le Gouvernement. Les 801 amendements déposés ont été soit rejetés en plénière, soit retirés ou non défendus par leurs auteurs. Très peu ont été adoptés. Conclusion, sur l’essentiel, le texte initial a été maintenu.
Le travail parlementaire se conclut toujours par l’adoption, c’est-à-dire le vote à mains levées du rapport. Cette adoption par consensus ou par vote vaut création de la loi (c’est la mission exclusive dévolue au Parlement par la Constitution). Ce rapport devient loi lorsque, au terme de son adoption en deuxième lecture par le Sénat, cette chambre lui attribue alors un numéro, le numéro officiel de la loi, en prenant soin de réécrire le projet initial en y insérant les modifications apportées au moyen des amendements. Il en ressort ce qui est appelée  » petite loi ».
Le rapport et petite loi sont transmis au Président de la République en vue de sa promulgation éventuelle (il peut refuser de la promulguer !). Si le Président de la République décide de la promulguer, le département juridique de la Présidence et le Secrétariat général du Gouvernement, mettent en forme la loi, article par article, certains articles sont demeurés intacts, d’autres ont été modifiés par les amendements consignés dans le rapport.
Ultime étape : la publication au Journal officiel. Donc, quand est une loi est transmise au Président de la République, ce n’est plus l’affaire des parlementaires qui ont déjà fait leur part.
Conclusion : en adoptant le rapport à une écrasante majorité, 8 voix contre et 3 abstentions, le Parlement a bien voté le projet de Constitution. Toutefois, selon les termes du Décret convoquant la Constituante, la spécificité de la procédure tient en ce que la loi ne sera pas automatiquement promulguée mais transmise au Président de la Transition sous la forme d’un avis. Mais, ça ce n’est plus l’affaire des parlementaires qui ont travaillé selon la procédure habituelle.
PS. En illustration, la dernière version du Code électoral :
Etape 1. Projet de loi (Gouvernement)
Etape 2. Rapport (Parlement)
Etape 3. Promulgation (Président de la République)
CQFD.
Jean Valentin Leyama
Député de la Transition
Ancien député élu (XIe Législature, 2007-2011)
Paul Essonne

Journaliste

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