« Briser les chaines et faire plier les chênes ? » dixit Serge Abslow.

C’est ce que va découvrir le ministre de l’éducation nationale, à la lumière du discours va-t-en-guerre qu’il a fait prononcer à son conseiller, pour s’adresser aux enseignants. Ce qu’il faut en retenir c’est qu’une procédure de recrutement d’urgence va être organisée par lui pour pallier à l’absence dans les salles de classes, des enseignants grévistes.

Selon les chiffres donnés par le ministre, ils seraient près de 20% à grever. Les 80% restant ne le feraient donc pas. Sauf que notre professeur émérite, ne nous a pas expliqué comment 20% seulement du corps enseignant peuvent gripper la machine éducation? Il faut en déduire que Daouda ne nous a pas tout dit. Il y a bien plus que 20% d’enseignants à faire la grève.

Et la preuve, c’est tous ces enfants qui se retrouvent dans la rue dans toutes les villes du Gabon pour demander le retour des enseignants dans les classes. Mais à considérer ces 20%, rapportés aux 30 000 enseignants gabonais, on estime donc à 9000 le nombre de grévistes que notre ministre voudrait radier des effectifs, pour les remplacer par de nouveaux recrutés.

Donc, on nous dit depuis des années, pour raison budgétaire, que l’état ne peut recruter des enseignants pour résorber le déficit criard observé dans le secteur éducatif, l’une des causes des effectifs pléthoriques, alors qu’il a toujours été possible d’en recruter? Où le sémillant ministre de l’éducation nationale trouvera-t-il les moyens de payer ces compatriotes si ce n’est dans le budget de l’état?

D’ailleurs, où recrutera-t-il ces nouveaux enseignants si ce n’est dans les colonnes des chômeurs diplômés du Gabon? Mais suffit-il d’être diplômé pour enseigner? Si oui, tous les bacheliers, licenciés, mastérisés, docteurs… au chômage se trouvent donc face à une opportunité inattendue qu’ils ne devraient pas se faire prier pour postuler, pour le plus grand bonheur de Daouda. Sinon, par quel coup de bâton magique fera-t-on de ces recrues des enseignants véritablement opérationnels?

Une simple interrogation de bon sens m’amène néanmoins à me demander si cette plaisanterie de mauvais goût, ne finira pas par tourner en eau de boudin? Comment se matérialisera cette belle opération d’enfumage dans les faits? On recrute qui, sur quels critères pour quelles catégories d’enseignants?

Une fois ces recrutements effectués ainsi manu militari, les nouveaux recrutés seront-ils aussitôt déployés sur le territoire? Si oui, avec quels moyens? Une fois à leurs postes, seront-ils aussitôt rémunérés? Ou devront-ils eux aussi faire face aux mêmes turpitudes qui sont précisément les causes de la grève supposément « non suivie » mais qui commande curieusement ces décisions épidermiques, réactionnaires et irréfléchies de la tutelle.

Si à ces questions, le génialissime Daouda peut répondre par l’affirmative, ce qui serait le comble du ridicule, qu’il nous explique alors pourquoi cette manne providentielle qu’il peut mobiliser en un tour de main, pour appâter et contenter les nouveaux enseignants, n’est pas simplement utilisée pour solutionner les revendications des enseignants actuels? Alors chiche!

Dans ce pays, les malins esprits qui nous gouvernent s’entêtent à privilégier les idées complexes au détriment des solutions simples, élémentaires qui, manifestement ne sont plus à la portée de leurs gros melons et de leurs trop grands diplômes. Et pourtant, faut-il être diplômé de grandes universités pour comprendre qu’un état ne peut prospérer en trahissant toujours ses engagements comme c’est le cas dans la question éducative.

Mieux, aucun pays ne peut prétendre ni à l’excellence, ni à la concurrence internationale et ni même à la compétitivité si son système éducatif continue d’être le terreau de toutes les insuffisances, de toutes les carences et maintenant des expériences hasardeuses. En choisissant de renoncer à la carotte pour espérer mater les enseignants avec le bâton, le ministre à choisi d’entrer en guerre contre une corporation qui a déjà démontré sa capacité à briser des chaînes et à faire plier les chênes. Sera-t-il le seul à le démentir?

Serge Abslow

Paul Essonne

Journaliste

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