Taxe d’habitation au Gabon : ce que cache la réforme qui fait déjà débat

La question de la taxe d’habitation s’impose progressivement dans le débat public gabonais. Annoncée par les autorités comme un levier de mobilisation des ressources internes, cette réforme fiscale suscite à la fois incompréhensions, inquiétudes et interrogations chez de nombreux ménages. À l’approche de son application effective, il devient essentiel de comprendre les contours réels de cette mesure, ses objectifs et ses implications sociales.

La taxe d’habitation, officiellement appelée Taxe Forfaitaire d’Habitation (TFH), est un impôt local prévu par le Code général des impôts gabonais. Elle concerne les logements à usage d’habitation, qu’ils soient occupés par des propriétaires ou des locataires. L’objectif affiché par l’État est clair : élargir l’assiette fiscale, améliorer le recouvrement des impôts locaux et accroître les ressources destinées au financement des collectivités territoriales.

Selon les autorités fiscales, cette taxe vise également à corriger les insuffisances chroniques du système fiscal local, longtemps marqué par une faible contribution du secteur résidentiel à l’effort national.

Une mise en œuvre prévue à partir de 2026

D’après les annonces gouvernementales, la TFH devrait entrer en vigueur à partir de 2026. Sa particularité réside dans son mode de recouvrement : la taxe sera directement intégrée aux factures d’électricité, en collaboration avec la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG). Cette méthode est présentée comme un moyen efficace de limiter la fraude fiscale et d’assurer une collecte régulière.

Les projections officielles estiment que cette réforme pourrait générer près de 3 milliards de FCFA par an, une manne financière destinée à soutenir les politiques publiques locales.

Des montants variables selon les zones d’habitation

La Direction générale des impôts (DGI) a défini une grille tarifaire basée sur la localisation géographique et le type de logement. Les montants varient ainsi selon les quartiers urbains, périurbains ou ruraux, avec des tarifs plus élevés dans les zones à forte activité économique et des montants plus faibles dans les zones rurales ou défavorisées .

Cette différenciation vise à introduire une forme de progressivité, même si plusieurs observateurs estiment que les critères de classification des zones restent encore flous pour une grande partie de la population.

Face aux critiques, le gouvernement a annoncé des mesures sociales d’accompagnement. Près de 60 000 ménages à faible revenu, notamment ceux bénéficiant de compteurs sociaux d’électricité, devraient être exonérés de la taxe d’habitation. Cette décision vise à éviter que la réforme ne pénalise davantage les populations déjà fragilisées par la cherté de la vie .

Cependant, sur le terrain, de nombreux citoyens réclament davantage de clarté sur les critères d’éligibilité à ces exonérations. Malgré les assurances des autorités, la taxe d’habitation reste fortement contestée. Syndicats, organisations de la société civile et simples citoyens dénoncent une pression fiscale accrue dans un contexte économique déjà difficile. Pour certains, la réforme risque d’aggraver les inégalités sociales si elle n’est pas accompagnée d’une amélioration visible des services publics locaux .

D’autres voix appellent à un débat parlementaire plus approfondi et à une large campagne de sensibilisation avant toute application effective.

Entre nécessité fiscale et acceptabilité sociale

La taxe d’habitation au Gabon s’inscrit dans une logique de modernisation du système fiscal et de recherche d’autonomie financière des collectivités. Toutefois, son succès dépendra largement de sa justice sociale, de la transparence dans son application et de la capacité de l’État à convaincre les citoyens de son utilité réelle.

À l’heure où la confiance entre administration fiscale et contribuables reste fragile, la TFH apparaît comme un test majeur pour la gouvernance économique et sociale du pays.

Paul Essonne

Journaliste

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