Lettre ouverte au Gl de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, Président de la transition

Le régime de transition à la croisée des chemins, la lettre ouverte au Général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, Président de la transition, Président de la République, Chef de l’Etat  à l’occasion du premier anniversaire de la chute du régime du président Ali Bongo Ondimba. 
Excellence Monsieur le Président de la République,
Le 30 août 2023, notre pays entamait une phase déterminante de son histoire sous votre direction et celle de vos vaillants compagnons d’armes. Après une année de leadership l’espérance d’un renouveau fondé sur la justice, la paix et la cohésion nationale a émergé du cœur des populations. En vous présentant mes vœux d’anniversaire, je plaide que cette transition soit un modèle de progrès pour tous les pays d’Afrique, un jalon vers la réforme idéale des institutions républicaines, et surtout un pas décisif vers la réalisation d’une gouvernance transparente, d’un développement équitable et d’un respect effectif des droits fondamentaux.
*LE POIDS SYMBOLIQUE DU NOM MOÏSE*
Monsieur le Président de la République,
Depuis un an le peuple gabonais vous a gratifié de deux sobriquets évocateurs tirés des Écritures Saintes: Moïse et Josué. Ces dénominations loin d’être de simples marques d’affection traduisent les attentes légitimes de vos concitoyens, et impliquent à la fois une charge symbolique et historique que j’aimerais, avec humilité, vous exposer sous plusieurs correspondances, en commençant aujourd’hui avec le nom Moïse.
*MOÏSE : UN LIBÉRATEUR ATTENDU*
Moïse dont la signification littérale est _ »tiré des eaux »_, est celui qui, des décennies après sa naissance, _ »se tirera lui-même de la jouissance d’un système oppressif »_ avant de _ »tirer les esclaves israélites de la fournaise égyptienne »_. Cette étymologie symbolise alors la quête d’un _libérateur politique par vocation et non par opportunisme_, avec des mœurs irréprochables, une éthique modèle et un témoignage de vie exemplaire. Ce libérateur politique peut être un homme tel que vous, et/ou un mouvement patriotique comme le CTRI, dont la mission principale est _libérer le peuple gabonais du pharaonique système Bongo-PDG_.
*LA TRANSITION MILITAIRE FACE À DES DÉFIS PRÉCIS*
Monsieur le Président de la République,
Bien qu’hébreu d’origine, le futur libérateur *Moïse a grandi au sein de la cour de l’oppresseur de ses concitoyens*, tout comme *vous-même* qui *avez évolué au cœur du système Bongo-PDG pendant que vos frères gabonais fouillaient les poubelles de Mindoubé pour vivre*. Oui Monsieur le Président, nous reconnaissons que *vous-même et la plupart de vos compagnons du CTRI avez vos racines dans les classes populaires gabonaises*. Néanmoins *pendant 55 années successives de règne absolu du système Bongo-PDG, les institutions militaires que vous incarnez aujourd’hui ont été des instruments de terreur et de mort pour vos propres familles qui rejetaient à chaque fois les Bongo à travers des votations claires*. Vous-même, Monsieur le Président de la République avez occupé des fonctions d’influence dans les arcanes du pouvoir Bongo-PDG. *Dieu merci le 30 août 2023, les militaires ont décidé de ne plus tuer leurs propres frères pour la gloire éternelle d’Ali Bongo Ondimba*. Cependant une question demeure: *chacun des membres du CTRI est-il prêt à se détacher des pratiques barbouzes du système Bongo-PDG pour que cette transition conduise les gabonais vers une ère nouvelle?*
*LA PERSISTANCE DE LA MAUVAISE GOUVERNANCE EN PLEIN RÉGIME DE TRANSITION*
Monsieur le Président de la République,
Malgré les promesses de réformes administratives, le Gabon n’est pas encore _ »tiré des eaux troubles de la mauvaise gouvernance »_. Des *dysfonctionnements inexplicables* gangrènent encore tous les concours d’entrée dans les grandes écoles comme l’École Nationale de Police (ENP), l’Institut de l’Économie et des Finances (IEF), l’École Nationale d’Administration (ENA) ou l’École de Préparation aux Carrières Administratives (EPCA). *Où sont passées les sanctions disciplinaires promises et les enquêtes judiciaires annoncées?* Ne serait-il pas temps, Monsieur le Président de la République, d’affirmer clairement que la méritocratie doit primer sur le favoritisme et les réseaux d’influence?
*DES ACCUSATIONS DE CORRUPTION RELAYÉES PAR LA PRESSE INTERNATIONALE*
Monsieur le Président de la République,
De très graves accusations de détournements à grande échelle ont été formulées par le magazine Jeune Afrique contre notre Direction Générale du Budget et des Comptes Publics (DGBCP). Ces accusations impliquaient directement un membre de votre propre cercle familial qui a été destitué de ses fonctions par le Ministre du Budget et des Comptes Publics. Quelques temps après lors d’un meeting populaire à Tchibanga, *vous avez rejeté ces accusations en les qualifiant de complot engagé par les hommes politiques d’Oyem contre votre petit frère*. Monsieur le Président de la République, *cette prise de parole tranchée donnait l’impression d’une injonction adressée aux gendarmes de la finance pour qu’ils arrêtent immédiatement les enquêtes de police et les procédures judiciaires* à l’encontre de l’un de vos proches.
Pendant ce temps *en  Guinée Équatoriale, votre illustre homologue, le Président Teodoro Obiang Nguema Mbazogo, a laissé les magistrats juger et condamner son propre fils à 18 ans de prison avec une amende de 830 mille dollars américains (492.605.000 FCFA), pour détournement et vente illicite d’un avion de l’État équato-guinéen*. Cette condamnation sera peut-être aménagé, néanmoins elle est là et constitue un exemple pour le CTRI gabonais qui, à travers votre discours inaugural du 04 septembre 2023, avait donné des leçons de bonne gouvernance à tous les régimes politiques africains.
En définitive, Monsieur le Président de la République, *ne serait-il pas temps de rassurer les populations que la lutte contre la corruption doit être exemplaire, même si un jour elle touchait vos proches?* Promouvoir une justice indépendante ne serait-il pas le gage de votre crédibilité et de votre intégrité?
*LE MODÈLE DE MOÏSE FACE AUX CHOIX CRUCIAUX DU CTRI ET DU GÉNÉRAL BRICE CLOTAIRE OLIGUI NGUEMA*
Monsieur le Président de la République,
Dans Hébreux 11:24-29, la Bible nous enseigne que *Moïse avait renoncé aux privilèges du système oppressif pour se ranger du côté des populations opprimées*. Dans sa sagesse, *Moïse ne s’était pas comporté auprès des esclaves comme un pharaon qui remplace un autre pharaon*. Il n’a jamais établi sur eux *des voleurs à la place d’autres voleurs*, il n’a jamais nommé au-dessus d’eux *des tyrans en lieu et place d’autres tyrans*. Non Monsieur le Président de la République, *Moïse avait établi des fonctionnaires exemplaires*, et c’est tout le bien que nous vous souhaitons aussi.
Voici pourquoi Monsieur le Président de la République, vous êtes aujourd’hui face à un choix semblable à celui de Moïse: *soit vous façonnez des institutions à votre convenance pour les manipuler à votre guise au risque de reproduire les jougs façonnés par Omar Bongo Ondimba et Ali Bongo Ondimba, soit vous engagez une rupture profonde avec les pratiques bongoïques pour libérer définitivement le Gabon*.
Ne serait-il pas temps, Monsieur le Président de la République, d’initier de vraies réformes structurelles qui garantissent non seulement un changement de leadership, mais aussi une transformation durable du mode de gouvernance?
*LE BESOIN URGENT D’UNE CONSTITUTION QUI NAUFRAGE LE SYSTÈME BONGO-PDG*
Monsieur le Président de la République,
Le passage des Hébreux traversant la mer Rouge afin d’échapper au retour de Pharaon et de son armée est comparable à *une nouvelle constitution fondée sur la Bonne Gouvernance qui empêcherait le système Bongo-PDG de rattraper le peuple gabonais*. Monsieur le Président de la République, je viens solennellement vous exhorter à *dresser votre bâton de Président de la Transition sur la Mer de l’Assemblée Constituante pour que celle-ci abandonne les recommandations monarchistes du Dialogue National Inclusif et du Comité de Rédaction de la Constitution*, deux organes politique qui croyaient visiblement vous rendre service en reproduisant les idées pouvoiristes d’Omar Bongo, Ali Bongo, Sylvia Bongo et Nourredin Bongo. *Les populations gabonaises n’ont pas besoin d’un Nebucadnersar qui règne en maître absolu pendant 7 ans renouvelable*. Nous voulons *un magistère de 5 ans renouvelable une seule fois, dans un écosystème institutionnel équilibré*, à l’exemple des États-Unis où le Parlement est aussi puissant que le Président de la République, où il n’y a aucune proposition fantaisiste comme l’existence d’un vice-président de la République et d’un vice-président du gouvernement. *Nous ne voulons pas d’un roi traditionnel au sommet de l’État*. Le Gabon ne doit pas se transformer en *zone pilote des impérialismes politiques*.
*LES LEÇONS TIRÉES DES LACUNES DE MOÏSE*
Monsieur le Président de la République,
Le Moïse de la Bible auquel les populations gabonaises vous identifient aujourd’hui avait des *manquements terribles* que je déconseille vivement à votre Excellence de reproduire au Gabon. Avant tout *Moïse était incapable de régler des conflits et d’apaiser les tensions sociales et politiques* exacerbées par quatre siècles de frustrations et de brimades multiformes. À cause de cette lacune managériale, *la traversée du désert qui aurait dû prendre aux Hébreux seulement deux ou trois semaines fut effectuée en quarante ans* au bout desquels tous les Hébreux sortis d’Égypte moururent au désert sans voir la Terre Promise, à l’exception de Caleb et Josué qui entrèrent en Canaan avec les israélites nés au désert.
Monsieur le Président de la République,
*L’accumulation des frustrations populaires est la marque distinctive du système Bongo-PDG*. Omar Bongo votre mentor politique a dirigé le pays le plus riche d’Afrique, la population la moins difficile du continent et un règne présidentiel de 42 ans. À son époque toutes les institutions du pays étaient taillées à sa mesure, avec un personnel politique totalement caporalisé. Malheureusement ce soi-disant sage d’Afrique a lamentablement échoué à faire du Gabon un pays au niveau des plus grandes nations de la planète.
Selon les confidences du Président Laurent Gbagbo relayées par la presse internationale dans les années 2009 et 2010, c’est Omar Bongo lui-même qui avait choisi Ali Bongo Ondimba comme successeur, alors que *même au sein du Parti Démocratique Gabonais des compétences infiniment moins jouisseuses ne manquaient pas*. Comment expliquer que des politiciens chevronnés de l’époque d’Omar Bongo, des universitaires de très haut vol et des officiers généraux hautement respectés les populations gabonaises aient laissé le système Bongo-PDG saborder le Gabon pendant 55 années consécutives?
*LA NÉCESSITÉ D’UNE VEILLE POLITIQUE GÉNÉRALE ET PERMANENTE*
Monsieur le Président de la République,
Les partis politiques, la société civile et le CTRI devraient se mobiliser à vos côtés comme des vigiles devant les portes de la liberté. Le succès de cette transition dépend de la capacité de tous les gabonais à faire preuve de courage pour interpeller le parlement de transition à réformer le pays en profondeur. Nous vous exhortons Monsieur le Président de la République à vous assurer que même cinquante ans après son départ, les forces maléfiques du système Bongo-PDG ne puissent jamais reprendre le pouvoir au Gabon.
Honneur et Fidélité à la Patrie,
Que Dieu bénisse le Gabon
Libreville, le 11 septembre 2024
*Philippe César Boutimba Dietha*
Paul Essonne

Journaliste

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