La Françatrique a fait pire que de soutenir une dictature : elle a amené un peuple à croire en la démocratie pour mieux lui légitimer son tyran, par la falsification de son suffrage. Il n’est pas prés d’oublier ce sabotage de sa volonté.
Le Chantage à la « démocratie apaisée » n’est pas toujours aussi clair au Cameroun et au Togo. Le principe est toujours le même : une élection truquée ou tronquée avec l’aide et la bénédiction de la France oblige un peuple à conserver les mêmes dirigeants ou le même régime, même s’il veut voter contre. Mais les modalités d’application diffèrent. Avec le Gabon et Djibouti, pays de taille plus modeste, on va vite aux solutions caricaturales: l’anesthésie par l’argent ou la brutalité sans vergogne.
La dernière trouvaille politique de ta Françafrique est le concept de » démocratie apaisée » une expression qui rait florès jusque dans la bouche de nos ambassadeurs, et que le journaliste camerounais Pius Njawé a fort bien décryptée. L’on dit aux présidents en place : « Organisez le scrutin présidentiel, gagnez-le par n’importe quel moyen (y compris des truquages éhontés, pour lesquels nous disposons d’experts parfaitement rodés). Laissez monter (un peu) la contestation, puis proposez le « dialogue » à l’opposition. Conviez-la à la table du pouvoir, où vous lui laisserez des miettes. Si la pression est trop forte, vous pouvez même proposer des élections législatives ou locales concertées jusqu’à un certain point. Certes, vous risquez d’avoir un Parlement ou des collectivités locales un peu turbulents. Mais rassurez-vous : les Constitutions rédigées par des experts français ont pris bien soin de laisser au Président l’essentielle, sinon la quasi-totalité, des pouvoirs effectifs… La mise en scène de la concertation donnera de vous l’image d’une autorité pacifiante, vous serez relégitimé comme par magie. Tout le monde, sauf quelques aigris, oubliera les conditions de votre réélection.
Trinquons déjà à ce nouveau mandat !
Depuis 1997, le scénario s’est répété au Cameroun, au Togo, au Gabon, en Guinée, à Djibouti. Il passe mal, mais tant pis: la Françafrique continue de soutenir les démocratures ainsi prolongées. Jusqu’à ce qu’explosions s’en suivent ? Obstruer le chemin des urnes, n’est-ce pas tracer celui des armes ?
La « démocratie apaisée ». J’ai expliqué plus haut ce scénario politique, dont paris souhaite généraliser la diffusion au service des potentats francophones. Il se déroule en trois temps : réélection du président par n’importe quel moyen (fraude massive, élimination des concurrents, provocation au boycott) ; ferme répression des mouvements de protestation ; installation du Président « réélu » comme figure centrale d’un processus d’apaisement. Prolongé dans son mandat, le chef de l’État invite les partis d’opposition à une large concertation. Il leur propose des strapontins au gouvernement, ou la conquête de quelques sièges à des élections secondaires, tout en excitant tes appétits rivaux, La tenue même de cette concertation vaut légitimation.
François-Xavier Verschave, auteur, membre fondateur de l’ONG Survie.