Depuis bientôt vingt ans, les fonctionnaires des secteurs clés de notre pays, principalement l’éducation et la santé, multiplient coups de gueules et mouvements de grève. Ils réclament des conditions décentes et justes de travail et de rémunération.
En Février 2017, 807 enseignants sont suspendus de leur salaire et menacés de radiation pour avoir manifesté pour la construction de salles de classes, dans un pays riche où il est devenu fréquent qu’une salle de classe compte plus de cent élèves.
Depuis 4 mois, la majorité de nos enfants sont déscolarisés en raison de la crise de la Covid-19, sans qu’aucune solution crédible n’ait pu être mise en œuvre ?
Qu’avons-nous chacun dit et fait pour soutenir ce digne combat pour sauver la santé et l’éducation au Gabon ?
20 décembre 2014 : M. Mboulou Beka est victime d’une exécution sommaire au cours d’une manifestation pacifique de l’opposition. Son corps est trainé dans la ville sur le capot d’une voiture comme un trophée pour décourager les populations gabonaises de toute velléité d’expression de leur liberté d’opinion. La famille est interdite d’accès à sa dépouille qui est séquestrée par les pouvoirs publics pendant une année.
Qu’avons-nous dit ou fait face à cette injustice ?
Nuit du 31 août au 1er septembre 2016 : alors que des milliers de citoyens gabonais y sont rassemblés pacifiquement, le quartier général de M. Jean Ping sera le théâtre des pires exactions qu’a connues notre pays. Le carnage se poursuit durant une semaine dans les rues de Libreville. Jusqu’à ce jour ni les victimes ni les familles des disparus n’ont obtenu réparation.
Avons-nous suffisamment dénoncé et lutté contre l’inacceptable ?
A ce jour, aucun commanditaire de crime rituel n’a été ni inculpé ni condamné au Gabon.
Le petit RINALDI, âgé de 3 ans, a été enlevé en janvier 2020. Affaire sans suite ?
En février 2020, la population s’est levée pour se faire vengeance et assurer sa propre protection face au spectre des enlèvements d’enfants et des crimes rituels. En a résulté le lynchage de deux personnes accusées par des manifestants d’être des auteurs de crimes rituels, sans qu’aucun jugement ni aucune preuve n’aient été formellement établis à leur encontre.
Même là, crions-nous suffisamment fort et d’une même voix au droit à la justice ?
En pleine crise de COVID, le pays est aujourd’hui endetté à plus de trois cent cinquante milliards de francs CFA sous le prétexte de devoir faire face à la pandémie, sans pour autant que les populations ne soient prises en charge de façon satisfaisante.
Le Dr Tanguy TCHANTOU a été enterré sans considération. Sa dignité n’a été restaurée que grâce au courage de sa famille et à la pression citoyenne sur les réseaux sociaux.
La distribution des aides alimentaires s’est faite sans respect de la dignité des bénéficiaires et en provocant des attroupements qui les exposaient dangereusement au virus.
Nos bienpensants gardiens de la Justice n’ont rien dit.
En juillet 2019, l’adultère a été dépénalisé.
Qui ne dit mot consent ? Qui se tait en est-il pour autant coupable comme certains l’affirment aujourd’hui au sujet de la dépénalisation de l’homosexualité ?
Et soudain, juin 2020, lorsque les parlementaires qui ont voté juste un an plus tôt la pénalisation de l’homosexualité veulent aussi soudainement revenir à sa dépénalisation, nous nous révélons tous être les grands chantres de la dignité humaine et de la justice.
L’orientation sexuelle est-elle le seul sujet qui provoque l’indignation et le courroux de certains ? Que devons-nous retenir des débats enflammés entendus ici et là ? Que la sexualité à elle seule conditionnerait l’immortalité, la justice et la dignité du Gabon ? Car c’est étonnamment l’un des messages largement relayés sur les réseaux sociaux, entretenant ainsi des amalgames et la confusion la plus totale.
Dépénalisation ou légalisation de l’homosexualité : que dit réellement l’amendement querellé du Code pénal (Loi n°042/2018 du 05 juillet 2019) visant à supprimer l’alinéa 5 ?
Art.402.‐ Constituent des atteintes aux mœurs :
1° l’exhibition sexuelle imposée à la vue d’ 2° la relation sexuelle, même consentante, hors le cas d autrui dans un lieu accessible au regard du public ; ’inceste prévu à l’article 403 ci‐dessous, entre un homme et une femme parents à un degré prohibitif du mariage tel que prévu par les textes en vigueur ; 3° tout comportement, attitude ou parole assidue ou suggestive répétés, directement ou indirectement imputable à une personne qui, abusant de l’autorité ou de l’influence que lui confèrent ses fonctions ou son rang social, a pour but d’obtenir des faveurs sexuelles d’un individu de l’un ou l’ 4° tout acte impudique ou contre nature sur un individu de son sexe et mineur de moins de dix‐huit ans ; autre sexe ; 5° les relations sexuelles entre personnes du même sexe. Quiconque se rend coupable des atteintes aux mœurs visées aux points 1, 2, 4 et 5 est puni d’un emprisonnement de six mois au plus et d’une amende de 5.000.000 FCFA au plus. Quiconque se rend coupable de harcèlement sexuel visé au point 3 du présent article est puni d’un emprisonnement de six mois au plus et d’une amende de 2.000.000 FCFA au plus.
Être chrétienne m’enseigne que l’homosexualité est une abomination ; et je le crois. Mais à mon sens cette abomination, étant commise par deux adultes consentants, ne constitue pas un crime contre autrui. C’est un péché contre soi-même et contre son Créateur.
Ne sommes-nous pas semblables à ceux à qui Jésus disait « Que celui qui n’a jamais pêché lui jette la première pierre », parlant de la femme adultère ?
Je suis Chrétienne.
Je suis hétérosexuelle.
Je suis une femme mariée à un homme.
Je suis opposée au mariage homosexuel parce que j’aspire à une société fondée sur la famille traditionnelle conforme à mes valeurs africaines et chrétiennes.
Je suis opposée à ce que le monde occidental veuille imposer à l’Afrique ses valeurs et ses choix de société.
Je suis engagée pour la défense des valeurs humaines universelles de justice pour tous et de liberté. Je suis notamment contre l’idée qu’un être humain, homme ou femme, homosexuel ou hétérosexuel, puisse aller en prison seulement en raison de son orientation sexuelle.
La prison est destinée aux criminels. Je ne pense pas qu’être homosexuel signifie être criminel. C’est tout au plus un vice ou une déviance, donc d’ordre psychologique ou pour certains hélas une pratique ésotérique…
Certains d’entre nous sommes allés déterrer dans l’Ancien Testament le Lévitique 20/13 : « Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable ; ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux. »
Soyons plus clairs dans nos requêtes. Sommes-nous entrain d’inviter les parlementaires à exhumer la peine de mort pour l’appliquer au plus grand crime selon nous, celui que constitue l’abomination homosexuelle ? Sommes-nous entrain d’inviter les populations à se débarrasser par lynchage ou autres punitions conduisant à la mort de leurs voisins homosexuels (voir la parodie – ou vidéo d’endoctrinement ? – actuellement diffusée via les réseaux sociaux : La jeunesse du PK6 dit non à l’homosexualité).
Allons-nous devoir mettre un enquêteur dans chaque chambre à coucher du pays et étoffer le Code pénal pour sanctionner d’une peine d’emprisonnement toutes formes d’entraves aux bonnes mœurs condamnées par la Bible et le Coran (sodomie, fornication ou relation sexuelle hors mariage, orgies, ivrognerie, etc.) ?
L’orientation sexuelle des concitoyens ne devrait pas être le seul sujet qui réveille le sens de la justice. Les gabonais ont notamment soif d’entendre les leaders religieux dénoncer, mobiliser les assemblées pour le respect de la dignité humaine, la lutte contre les injustices sociales, les oppressions et autres formes d’abus auxquels le peuple est confronté au quotidien. Dans ces moments de désarroi, les gabonais ont plus que jamais besoin d’une Eglise qui détache les chaînes dues à la méchanceté, qui dénoue les liens de l’esclavage et qui renvoie libres ceux qu’on maltraite.
Nous avons vécu en février 2020 la mort de deux de nos concitoyens par lynchage, parce que les populations gabonaises sont à bout de nerfs, livrées à un système politique et judiciaire décadents.
C’est donc la crainte de la vindicte populaire que pourraient provoquer les débordements liés à la stigmatisation d’un groupe vulnérable qui m’emmène à cette sortie publique.
La place d’un violeur, hétérosexuel ou homosexuel est la prison.
La place d’un assassin, hétérosexuel ou homosexuel est la prison.
La place d’un escroc, voleur, bandit, pilleur de fonds publics, criminels en tout genre hétérosexuels ou homosexuels est la prison.
Ce n’est à mon sens pas en prison qu’on luttera contre une déviance, puisque c’est ainsi que notre société africaine considère l’homosexualité. Mais dans la foi, la morale, l’éducation et l’exemplarité des aînés et des leaders de tous bords.
Et si la pénalisation vise à décourager, la peine de prison n’est-elle pas excessive dans ce cas ?
Autant d’interrogations qui auraient dû donner lieu à un vrai débat public participatif, pour que le peuple soit à même de mieux comprendre l’amendement proposé à tort ou à raison par le Gouvernement et qu’il puisse se prononcer en conséquence.
Le Premier Ministre, ses alliés parlementaires et la main noire (ou blanche) qui les dirige, auront finalement par leur inconsistance, en introduisant mal et au mauvais moment un débat de fond légitime, réussi à stigmatiser et exposer à la vindicte populaire des concitoyens jusque-là protégés par la loi du silence et l’anonymat. Comment expliquer qu’ils adoptent en juillet 2019 une loi pour ensuite vouloir l’abroger un an plus tard ? Qui vous a envoyés ?!!! Vous avez le devoir d’expliquer au peuple pourquoi vous avez introduit cette Loi sans aucune pression sociale et pourquoi aujourd’hui vous voulez l’abroger !
Aux parlementaires ni pour ni contre, qui se sont abstenus de voter pour un sujet de société aussi passionnel, diviseur et grave de conséquences, honte à vous ! Payés sur fonds publics pour présenter, défendre ou dénoncer les lois, vous vous révélez incapables d’assumer ce rôle. Nous nous souviendrons de vous aux prochaines échéances électorales. En effet, si vous êtes incapables d’avoir une position sur un sujet de société crucial et incapables de vous concerter avec vos électeurs sur des orientations à leurs yeux fondamentales, alors votre place n’est certainement dans aucune chambre de notre parlement où, en fin de compte, vous ne représentez que votre personne.
Pour finir, tout en considérant l’homosexualité comme une déviance et en étant opposée au mariage homosexuel, il m’est difficile, en ma qualité de chrétienne, de défenseur des droits humains, des principes démocratiques et notamment du droit de chaque personne à faire ses choix, de promouvoir une quelconque peine judiciaire à l’encontre d’une personne en raison de ses préférences sexuelles tant et aussi longtemps qu’elle ne commet aucun crime envers autrui.
J’encourage le peuple gabonais à ne pas céder à la manipulation, à la diversion et à ne pas se tromper de combat. Nous devrions au contraire concentrer notre énergie et notre force de pression pour les causes de fond que sont la justice pour tous, la protection des plus vulnérables, la bonne gouvernance, la transparence électorale, le respect du verdict des urnes, le droit à la vie, à la santé et à l’éducation qui sont outrancièrement violés au Gabon.
Appel à la vigilance d’une citoyenne défenseur des droits humains
Citoyennement vôtre,