Communiqué de la réunion des Ministres des Affaires Etrangères UE-UA.

Ainsi qu’il en a été convenu lors du sommet Union africaine (UA)-Union européenne (UE) qui a eu lieu à Abidjan (Côte d’Ivoire) les 29 et 30 novembre 2017, l’UA et l’UE ont tenu la première d’une série de réunions ministérielles conjointes annuelles à Bruxelles (Belgique) les 21 et 22 janvier 2019. Y ont pris part les ministres des affaires étrangères des États membres de l’UE et de l’UA. La réunion s’est tenue sous la coprésidence de la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Federica Mogherini, et du ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Rwanda et président du Conseil exécutif de l’UA, M. Richard Sezibera, avec la participation du commissaire à la paix et à la sécurité, M. Smail Chergui, représentant le président de la Commission de l’UA, M. Moussa Faki Mahamat, et en présence de membres de la Commission européenne et de la Commission de l’UA.

Les ministres ont souligné qu’il importe de faire de cette réunion un événement annuel, qui contribuera à renforcer le partenariat entre les deux continents et à relever des défis communs.
Les ministres ont réaffirmé qu’il était de leur intérêt commun de saisir l’occasion d’aller vers un partenariat étroit et mutuellement bénéfique, dans un esprit d’adhésion commune au processus, de responsabilité partagée, de réciprocité, ainsi que d’obligation
Coopération économique

En tant que voisines très proches, l’Europe et l’Afrique sont déjà des partenaires privilégiés en matière d’échanges commerciaux, d’investissements et de développement. À Abidjan, il a été convenu de redoubler les efforts conjoints afin de progresser vers une croissance, une transformation économique et un développement durables et inclusifs. En particulier, les deux partenaires sont convenus de coopérer pour améliorer le climat d’investissement, ainsi que pour mobiliser des investissements dans les secteurs de l’agriculture, des infrastructures, de l’énergie, du numérique, de l’industrie et du transport aérien notamment.

Au cours de la réunion, des informations ont été communiquées sur les progrès importants réalisés dans le processus d’intégration continentale à la faveur du lancement de l’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), du marché unique du transport aérien africain et de l’adoption du protocole relatif à la libre circulation des personnes, au droit de résidence et au droit d’établissement. Ayant fait l’expérience des nombreux avantages qu’apportent l’intégration régionale et une harmonisation croissante du climat d’investissement et des affaires, l’UE a réaffirmé l’engagement qu’elle a pris de partager, en tant que partenaire, sa propre expérience en matière d’intégration et de coopération régionales et d’apporter, dans ce cadre, son plein soutien. Les ministres sont convenus de l’importance de renforcer les relations commerciales entre l’Afrique et l’Europe.

Dans le même contexte, des informations ont été communiquées sur le lancement et l’avancement de l’initiative européenne relative à une « alliance Afrique-Europe pour un investissement et des emplois durables », et les deux parties ont été encouragées à procéder à de nouvelles consultations pour faire en sorte que la mise en œuvre du projet d’alliance corresponde aux priorités des deux continents.
Des informations ont été communiquées sur l’avancement du plan d’investissement extérieur de l’UE, dans le cadre duquel une somme de 4,1 milliards d’euros est engagée afin de mobiliser un montant estimé de 37 milliards d’euros d’investissements privés africains et européens.
Les ministres se sont également félicités des initiatives de coopération et d’intégration sous-régionales, en vue de la création d’un marché africain intégré et compétitif qui soit pleinement aligné sur la ZLECA, et de la contribution qu’elles peuvent apporter à la stabilité ainsi qu’à la prospérité et au développement durable sur le continent africain.
Les ministres se sont engagés à conjuguer les efforts pour lutter contre la corruption sur les deux continents, et promouvoir la coopération internationale pour lutter contre les flux financiers illicites et contre l’évasion et la fraude fiscales, ainsi que pour renforcer la coopération en matière de recouvrement d’avoirs.

Les ministres ont rappelé que, pour que la main-d’œuvre soit dotée des qualifications appropriées, ainsi qu’il en a été convenu à Abidjan, il importe d’investir dans la jeunesse grâce à des possibilités d’éducation et de formation réactives vis-à-vis du marché, tout particulièrement pour les femmes et les filles, notamment en déployant davantage de programmes de formation et d’enseignement professionnels et en développant des échanges scientifiques et en matière de R&D, avec la participation du secteur privé. En outre, les participants sont convenus qu’il importe d’internationaliser et d’harmoniser l’enseignement supérieur en Afrique afin de développer une culture de la mobilité en vue d’améliorer la qualité de l’enseignement et d’accroître la comparabilité. À cet égard, il convient d’encourager davantage la mobilité des étudiants et du personnel, celle-ci étant considérée comme un vecteur essentiel du développement socioéconomique en ce qu’elle contribue à doter les jeunes des compétences dont ils ont besoin pour construire leur avenir. Des programmes tels qu’Erasmus+ contribuent à parvenir à ces résultats, et pourraient inspirer d’autres programmes en ce sens.

Résilience, paix, sécurité et gouvernance
Les ministres sont convenus que la coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité à toutes les étapes du cycle d’un conflit constitue un pilier central du partenariat UA-UE.

Les nouvelles menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité à l’échelle internationale et régionale, en particulier la propagation du terrorisme, de la piraterie, de la radicalisation, de l’extrémisme violent, du commerce illicite d’armes et de la criminalité organisée, ont un impact sur la stabilité des deux continents. Ces menaces requièrent des efforts concertés, dans le respect du droit international, y compris le droit international relatif aux droits de l’homme.

Le respect des principes démocratiques, et l’État de droit, et la participation de la société civile sont importants pour permettre que la stabilité et le développement durable répondent aux attentes politiques et économiques d’une jeunesse en pleine croissance démographique.
Le protocole d’accord entre l’UA et l’UE sur la paix, la sécurité et la gouvernance signé en mai 2018 place le partenariat institutionnel sur une base solide et structurée tenant comptede la complexité des nouvelles menaces et de la nécessité de s’attaquer à leurs causes profondes.
Tous ces efforts contribueront à l’ambition qu’a l’Afrique de faire taire les armes à l’horizon 2020. Il convient de renforcer le soutien constant apporté à la stabilité dans les régions et les pays touchés par des crises, y compris le Sahel, la Libye, la région des Grands Lacs, la République centrafricaine, le Soudan du Sud et la Somalie, à travers une mobilisation coordonnée, à l’appui des efforts africains visant à promouvoir une paix, une sécurité et une stabilité durables sur le continent. Les ministres ont salué les mesures positives prises en faveur de la paix et de la stabilité dans la région, en particulier le rapprochement entre l’Éthiopie et l’Érythrée et son incidence plus large sur la paix et la sécurité dans la Corne de l’Afrique, et sont convenus de soutenir le processus. Les deux parties ont confirmé leur attachement commun à la mise en œuvre du programme

concernant les femmes, la paix et la sécurité et de la résolution 2250 du Conseil de sécurité des Nations unies sur la jeunesse, la paix et la sécurité, ainsi qu’au respect du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire, à tous les niveaux de cette coopération. Les ministres ont en outre souligné l’importance de la bonne gouvernance, du renforcement des institutions et du respect et de la promotion des droits de l’homme, notamment l’égalité hommes-femmes, qui constituent des outils importants pour la prévention des conflits.
Les ministres ont pris acte de ce que la coopération fructueuse entre l’UA et l’UE contribue à rendre pleinement opérationnelle l’architecture africaine de paix et de sécurité (APSA), et se sont déclarés favorables à un renforcement des liens entre l’APSA et l’architecture africaine de gouvernance (AAG), conformément au processus de réforme de l’UA.
Les ministres se sont félicités du lancement sous une forme revitalisée du fonds pour la paix de l’UA, de la nomination de son conseil d’administration et de l’engagement de mobiliser des ressources des États membres de l’UA à concurrence de 400 millions de dollars d’ici à 2021, afin de financer les activités opérationnelles de l’UA liées à la paix et à la sécurité. Il a été expliqué que le fonds devrait devenir un instrument de première importance pour l’Afrique ainsi que pour ses partenaires qui investissent dans la paix et la sécurité sur le continent.
Dans le cadre de la contribution apportée de longue date par l’UE au financement durable et prévisible des opérations de soutien de la paix sous conduite africaine, les deux parties ont salué l’engagement pris par les États membres de l’UE de reconstituer les ressources de la Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique pour la période 2019-2020. Les ministres ont souligné l’importance des négociations en cours à New York sur le recours aux contributions au budget de l’ONU pour les opérations de soutien de la paix dirigées par l’UA et autorisées par le Conseil de sécurité de l’ONU. À cet égard, les ministres ont salué l’adoption par l’UA, en novembre 2018, de ses politiques de mise en conformité, ainsi que l’engagement de l’UE de soutenir les efforts que mène l’UA pour rendre le cadre opérationnel.
Migration et mobilité

Les ministres ont salué le cadre de politique migratoire pour l’Afrique révisé et le plan d’action 2018-2027 élaborés par l’UA, le protocole de l’UA sur la libre circulation des personnes, l’Agenda africain pour la migration, l’Observatoire africain des migrations et les centres de recherche sur la migration ainsi que les réalisations accomplies à ce jour et le mandat relatif à l’actualisation du plan d’action conjoint de La Valette. Ils ont également salué le travail accompli par le fonds fiduciaire de l’UE, destiné à relever les principaux défis du plan d’action conjoint de La Valette, et ont préconisé la poursuite du suivi des résultats de ce plan d’action et l’amélioration de la mise en œuvre de ses cinq piliers ainsi que de l’efficacité du plan.

Les États membres de l’UE qui ont adhéré au pacte mondial de l’ONU pour les migrations et au pacte mondial de l’ONU sur les réfugiés, d’une part, et l’UA, d’autre part, ont salué l’adoption de ces instruments en tant que cadres de coopération internationaux non contraignants sur le plan juridique, visant à compléter les différentes stratégies nationales et tenant compte d’approches nationales spécifiques pour examiner les défis liés aux migrations qui concernent les deux continents.

Les ministres ont mesuré les progrès accomplis récemment dans la mise au point de la coopération intercontinentale entre l’UA et l’UE en matière de migration, qui peut apporter une valeur ajoutée en termes de cohérence et de complémentarité entre les processus existants, y compris ceux de Rabat, de Khartoum et de la Corne de l’Afrique. Les deux parties se sont déclarées favorables à une coopération élargie à cet égard.
Coopération sur la scène mondiale

Les ministres se sont déclarés convaincus que le multilatéralisme constitue le mode de coopération internationale le plus efficace pour faire face aux problèmes mondiaux, assurer des règles du jeu équitables au niveau international et contribuer à trouver des solutions communes, durables et ambitieuses aux défis qui se posent à l’heure actuelle. Les ministres ont rappelé que, lors du sommet d’Abidjan, les dirigeants africains et européens se sont engagés à intensifier leur coopération conjointe sur la scène mondiale en tant que partenaires sur un pied d’égalité. En mettant en œuvre cet engagement, les deux parties sont convenues de travailler de concert afin de promouvoir le rôle fondamental que joue un ordre mondial fondé sur des règles et articulé autour des Nations unies, et d’œuvrer à un multilatéralisme effectif, à un moment où celui-ci est particulièrement remis en cause.

Les ministres se sont engagés à consolider le dialogue politique conjoint à haut niveau afin d’adopter une approche plus coordonnée et des positions convergentes dans les négociations internationales. Ils sont convenus de continuer à mettre en œuvre les priorités et à coopérer à cet effet, y compris en ce qui concerne l’accord de Paris sur le climat, le programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement, le programme de développement durable à l’horizon 2030 et ses objectifs de développement durable, ainsi que le programme 2063 de l’UA. Un cadre mondial en matière de biodiversité pour l’après-2020, la gouvernance des océans et la mise en œuvre de l’accord sur le nucléaire iranien (plan d’action global commun) sont quelques exemples de domaines dans lesquels la coopération peut faire une différence.

Les ministres se sont tout particulièrement félicités de l’adoption, en décembre 2018 à Katowice, du programme de travail de l’accord de l’accord de Paris, et ont déclaré souhaiter examiner conjointement les moyens d’assurer une mise en œuvre ambitieuse de l’accord de Paris sous tous ses aspects.

Le dialogue et la collaboration sur la scène mondiale peuvent également appuyer le système commercial multilatéral, ainsi que le processus de réforme de l’OMC, apportant des avantages à la fois à l’Afrique et à l’Europe. Par ailleurs, l’UA et l’UE devraient collaborer afin de soutenir le processus de réforme des Nations unies, y compris les efforts portant sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies et la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale. Parallèlement, les travaux menés sur la coopération trilatérale entre l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations unies constituent un développement positif, comme l’illustre le groupe de travail sur la Libye.
Après 2020

Les ministres ont rappelé l’engagement pris à Abidjan de promouvoir un partenariat encore plus étroit et mutuellement bénéfique entre les deux Unions. Ils ont rappelé que l’Assemblée des chefs d’État de l’UA, lors de sa session extraordinaire tenue le 18 novembre 2018 à Addis-Abeba, a indiqué qu’elle souhaitait maintenir le partenariat intercontinental UA-UE au-delà de 2020, sur la base d’engagements des deux parties ainsi que d’instruments et de cadres appropriés. Tout en prenant note de la participation des États et des régions d’Afrique à différents cadres de coopération et de la nécessité de préserver leurs intérêts, leurs spécificités, leur diversité et leurs acquis, les ministres ont confirmé que l’UA et l’UE continueraient de collaborer pour renforcer le partenariat intercontinental après 2020, en vue du prochain sommet UA-UE.
Observations finales

Les ministres se sont déclarés satisfaits du développement de la coopération entre l’UA et l’UE dans tous les domaines et ont estimé que ce processus traduisait les intérêts communs des deux continents et la nécessité de travailler de concert pour atteindre les objectifs communs.
Les participants ont indiqué qu’ils étaient résolus à établir un partenariat plus étroit et plus fort entre l’UE et l’UA et se sont félicités des initiatives prises par les États membres à cet égard.

Les ministres ont remercié les coprésidences pour l’organisation de cette première réunion ministérielle annuelle fructueuse et ont déclaré attendre avec intérêt la seconde réunion ministérielle, qui se tiendra en Afrique avant la fin de cette année, ainsi qu’il en a été convenu à Abidjan, en vue de rendre compte de la mise en œuvre des résultats d’Abidjan et de passer en revue les objectifs à atteindre pour le prochain sommet UE-UA prévu en 2020.

Thierry Mebale Ekouaghe

Directeur de publication, membre de l'UPF (Union de la Presse Francophone) section Gabon, Consultant en Stratégie de Communication, Analyste de la vie politique et sociale, Facilitateur des crises.

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